La vision de Sparte à l'Antiquité
Les poètes, les premiers, ont été fascinés par Sparte Après Tyrtée et Théognis de Mégare, Pindare avoue son admiration pour une cité disciplinée. En politique, l’orateur Lycurgue aussi bien que Phocion voudraient appliquer le modèle spartiate, qui impose même le respect au très patriote Isocrate. De nombreux philosophes ont également été fascinés par Lacédémone : Hippias d’Elis, Prodicos de Céos ou d’Archytas de Tarente.
Les extraits suivants présentent l’admiration pour Sparte à travers la vision de trois intellectuels antiques différents.
Exemples de deux poètes admirateurs de Sparte.
Théognis de Mégare, Sentences
Théognis de Mégare est un poète gnomique (Du grec gwme : la pensée). Il vécut au VI ème siècle avant J.C. t à Mégare et probablement à Thèbes. Il ne s’est servi que de la forme élégiaque. Il est considéré comme un poète moraliste. En effet, durant l’Antiquité grecque on apprenait par cœur des sentences extraites de ses élégies. D’ailleurs certaines de ses sentences sont encore connues : « On ne manque pas de compagnons pour manger et pour boire; mais, pour les choses sérieuses, on en trouve beaucoup moins. », « Préfère une vie honnête, dans une fortune médiocre, à des richesses injustement acquises. La justice comprend en soi toutes les vertus. »
Théognis de Mégare a entrepris de nombreux voyages. Il s’est notamment rendu à Sparte. Cette sentence témoigne de son admiration pour la cité :
« Castor, Pollux, vous qui habitez dans la divine Lacédémone, près des belles eaux de l'Eurotas, si jamais je médite contre un ami une méchante action, qu'elle retombe sur moi, et, si lui-même veut me faire du mal, qu'il lui en arrive deux fois autant. »
1
2
3
4
L’adjectif « d??? » qui signifie divin est un terme mélioratif. Il élève la cité au rang de sacrée et lui donne ainsi une importance considérable. En effet, les grecs représentaient les dieux comme immortels même si ces derniers gardaient des sentiments humains. Théognis de Mégare présente donc Sparte comme une cité indestructible qu’il faut respecter et honorer.
Castor et Pollux font l’objet d’un véritable culte divin, né à Sparte et se répandant ensuite dans tout le monde grec. Ils sont vus, en particulier, comme les protecteurs des marins. Selon la légende, ce sont les fils de Léda épouse du roi de Sparte, Tyndare. Ils seraient venus au monde de deux œufs différents. Pollux enfanté par Zeus, Castor par Tyndare. Malgré cette ascendance différente, les deux frères sont souvent appelés Dioscures, les « fils de Zeus ».
Une deuxième sentence témoigne de l’intêret que porte Théognis de Mégare à Sparte
« J’ai visité autrefois la terre de Sicile, L’Eubée aux riches vignobles, la ville de l’Eurotas abondant en roseaux, l’illustre Sparte, et tous y accueillaient avec faveur mon arrivée. Mais aucun de ces lieux n’a pu donner de joie à mon cœur, tant je préférais à tout ma patrie.
1
2
3
4
5
6
Dans cette deuxième sentence autobiographique, Théognis de Mégare loue sa cité. Les grecs vouaient un attachement particulier à leur cité et désiraient la rendre florissante et respectable aux yeux de tous. Aujourd’hui, on appellerait cela du patriotisme. Le poète, cependant, laisse paraître son admiration pour Lacédémone avec le mot illustre « aglaon ». Ce terme signifie : qui est très connu, du fait d’un mérite ou de qualités extraordinaires. Sparte est également présentée comme au dessus des hommes car hors du commun.
__________________
Tyrtée, Chants
Tyrtée est un poète du Vème siècle avant J.C. Il est fort probable qu'il fût né à Milet, en Asie Mineure, selon l’Encyclopédie grecque Suidas (de la fin du XIème siècle). Lors de la deuxième guerre de Méssénie (464-454 avant J.C.), Sparte en difficulté demanda conseil à la Pythie. Elle leur recommanda de demander un général à Athènes. Tyrtée fut envoyé par Athènes désireuse de se venger de l’orgueil spartiate. Selon la légende, c’était un maître d’école boiteux et peu sain d’esprit. Le poète sut, cependant relever le courage des troupes grâce à ses chants. En témoignage de reconnaissance, on lui accorda le titre de citoyen. Peu de ses poèmes nous sont parvenus. On sait seulement que Tyrtée mélangeait l'idéal homérique (la gloire personnelle) et l'idéal politique collectif de Sparte.
10
Du trépied de Phébus ils portent en ce lieu
La parole parfaite et l'oracle du Dieu.
Que du conseil les rois soient la source et la vie,
En eux l'aimable Sparte espère et se confie :
Qu'ensuite les vieillards, puis au dernier degré
Le peuple, soient l'écho du rhètre vénéré.
Le trépied est un attribut de Phébus c’est une sorte de siège à trois pieds sur lequel s’asseyait la Prêtresse de Delphes pour rendre les oracles. Lorsqu’Héraclès voulut le dérober à la Pythie Apollon intervint et Zeus dut séparer les antagonistes.
Dans ce poème, Tyrtée compare la parole des rois de sparte à l’oracle du dieu Phébus. C’est-à-dire que, quoi qu’ils prononcent, ils sont sources de vérité. Chacun doit alors respecter l’avis des rois de Spartes, presque divinisés dans ce poème. Le peuple se construit selon l’avis du rhètre (l’oracle, ici les rois), il doit en être l’écho donc ne penser rien d’autre que cela. Cet extrait montre l’absence de culture dans la cité : la pensée de chaque individu est identique, conforme à une seule idéologie. Tyrtée prouve son admiration pour Lacédémone par le rapprochement entre les rois et la divinité Phébus.
11
Allez, de Sparte la vaillante
Dignes enfants, braves guerriers,
A gauche, vos ronds boucliers,
A droite, la lance brillante.
Surtout n'épargnez pas vos jours,
De Sparte ce n'est pas l'usage…
Ce deuxième poème est un chant de guerre. Il prône l’honneur de la patrie plutôt que la vie. Sparte est ici présentée comme une cité guerrière dont le courage (en témoigne l’adjectif «vaillante ») est extrêmement important. Ce chant peut-être qualifié de patriotique car chaque individu qu’il soit « enfant » ou plus âgé « guerrier » à l’obligation de défendre Lacédémone envers et contre tout s’il ne veut pas être déshonoré, considéré comme lâche.
Exemple d’un historien et philosophe fasciné par Lacédémone
Xénophon, La République des Lacédémoniens.
Xénophon est un historien et philosophe grec. Il vécut au Vème et IVème siècle avant J.C. Ce fut l’un des disciples de Socrate. En 401, il rejoignit l'armée des mercenaires que Cyrus le jeune avait levée en Asie Mineure, et il prit part à la retraite des Dix-Mille. Plus tard il rejoignit l'armée spartiate, et fut banni par Athènes. Puni d'exil, il se retira à Sparte, qui lui accorda le statut de «proxène» (hôte de l'Etat) et un domaine, à Scillonte. C'est alors qu'il écrivit les sept livres de l’Anabase, chronique de l'expédition des Dix Mille.
La République des Lacédémoniens est un traité sur la constitution de Sparte. Ces trois extraits montrent la vision de Xénophon :
I-1. » Je songeais un jour que Sparte, qui compte parmi les Etats les moins populeux, a été de toute évidence le plus puissant et le plus illustre de la Grèce, et, frappé de ce fait, j’en cherchais la raison. Mais, quand j’eus considéré les institutions des Spartiates, je cessai de m’étonner. »
Xénophon emploie des superlatifs absolus mélioratifs pour désigner Sparte : « le plus puissant et le plus illustre de la Grèce ». Cela prouve l’importance de Lacédémone, selon lui : au dessus de tout. Il affirme clairement son avis et voue une admiration aux « institutions des Spartiates » qui amènent à « la puissance » et à la gloire.
IX-4 « Dans les autres Etats, en effet, quand un homme est lâche, on se contente de l’appeler lâche ; mais il se promène sur la place au même endroit que le brave, il s’assied près de lui et fréquente le même gymnase, s’il le veut. A Lacédémone, au contraire, on rougirait de recevoir le lâche à sa table et de lutter avec lui à la palestre. »
L’opposition entre « les autres Etats » et « Lacédémone » est marqué par la locution « au contraire ». Cela renforce l’idée d’une cité qui n’est pas comme les autres donc extraordinaire. Pour Xénophon l’on devrait se comporter avec les lâches comme on le fait à Sparte, et ne pas user d’hypocrisie en se « content[ant] de l’appeler lâche » mais en acceptant sa présence près de soit.
IX-6 « Quand je vois une telle infamie peser sur les lâches, je ne m’étonne aucunement qu’à Sparte on préfère la mort à une vie déshonorée et ignominieuse. »
La présence du pronom personnel de première personne du singulier prouve bien que Xénophon donne son propre avis. De plus la présence des trois synonymes « infamie, déshonorée et ignominieuse » montre l’insistance de Xénophon sur le résultat de la lâcheté qu’il juge inadmissible. Il appuie le fait que la mort est une voie préférable au manque de courage et donc que la bravoure est une vertu vitale. Pour lui, le modèle spartiate est le meilleur.